Ce mardi je suis allée rencontrer Frédéric Jiguet, au Museum National d’Histoire Naturelle, à Paris. Frédéric est un imminent spécialiste des oiseaux, un anti-chasse avéré, et un passionné aussi, forcément.
On se retrouve à l’entrée du jardin des plantes, sous la statue de Lamarck, et de suite nous filons voir les corneilles qu’il étudie depuis quelques années ici. Ce corvidé est perçu par beaucoup comme un animal nuisible, et aussi a-t-il lancé un programme de recherche pour étudier leurs comportements.
A l’origine, c’est la mairie de Paris qui l’a sollicité à ce sujet suite à des attaques subies par des promeneurs. Depuis juillet 2015 donc le CRPBO équipe les jeunes corneilles pour suivre leurs déplacements et leur survie. En cinq ans, 622 corneilles ont été baguées et équipées d’un GPS. De quoi réaliser que les comportements agressifs sont souvent le fait d’individus spécifiques, et qu’il est possible de réguler ces agressions en comprenant leurs motifs (souvent la protection d’un nid).
Ces oiseaux sont très intelligents et dotés d’une bonne mémoire : la hausse de leur population dans Paris est semble-t-il corrélée avec l’apparition des poubelles aux sacs plastiques transparents apparus dans la capitale au début des années 2000, avec la hausse des politiques anti-terroristes. Pourquoi ? Parce que les corneilles y repèrent les déchets, souvent de la nourriture donc ! Au jardin des plantes, elles savent très bien repérer les poches MacDo par exemple (il y a un fast food de cette chaîne juste à l’entrée du jardin). Frédéric Jiguet m’explique être également repéré par un individu : en début d’année il a utilisé un « net gun » pour capturer un oiseau, cela n’est pas très discret et a apparemment « marqué » les oiseaux. Alors que le scientifique n’est pas revenu souvent au Museum (confinement oblige), les corneilles se souviennent de lui (quel que soit son accoutrement, et même s’il porte un masque !), les oiseaux se souviennent de lui et se passent le message à son arrivée, surprenant non ?
Avant ce programme, Frédéric Jiguet a longtemps travaillé sur l’ortolan, il a aussi travaillé pendant quinze ans sur le suivi des espèces et le recensement des populations d’oiseaux en France… Las de chaque année rappeler le triste constat de l’érosion de la biodiversité, d’en souligner les causes, il a choisi depuis quelques années de revenir à des programmes de suivi plus spécifiques, et de s’investir plus, de prendre position et se consacrer au lancement de projets de recherche dont les résultats prouvent à quel point il est important de préserver les oiseaux, ces ambassadeurs de toujours !
J’ai ainsi pu le suivre lors d’une réunion à l’Agence Française de Développement où il est allé présenter le programme KIVI KUAKA (auparavant intitulé « barge rousse »), mis en place conjointement par le ministère des Armées et le ministère de la transition énergétique afin de suivre le comportement des oiseaux lors de catastrophes naturelles (notamment les tsunamis). Il a en effet été observé que les oiseaux migrateurs transpacifiques sont capables d’anticiper la formation des cyclones. Ils sentent les catastrophes arriver et les chercheurs veulent étudier cela de plus près : comment se comportent-ils dans ces cas là ? Où vont-ils ? Comment s’inspirer de leurs comportements pour anticiper la chose et prévenir les populations humaines ?
Je lui fais remarquer que cela est assez utilitariste comme approche, mais pour lui c’est aussi (et surtout) un bon argument pour préserver cette part du vivant ! Ce qui n’est pas faux, tant cette intelligence et ce sens donnés aux oiseaux forcent notre humilité… Nous avons encore beaucoup à apprendre !
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