Alors que nous sommes de nouveau confinés depuis une vingtaine de jours, les tribunes et demandes citoyennes se multiplient afin d’obtenir un libre accès à la nature (voir ici, là ou là). L’occasion de revenir sur une expérience riche d’enseignement menée ces trois dernières années par un professeur de Sciences de la Vie et de la Terre, Frédéric Plénard.
S’il a arrêté d’enseigner, c’est pour mieux se consacrer à ce projet : expliquer à quel point il est important de mettre les enfants dehors, de les immerger dans la nature et leur insuffler dès le plus jeune âge l’envie de préserver l’environnement.
En 2017 et 2018, Frédéric Plénard a en effet mené une expérience riche d’enseignements en proposant à cinq groupes d’enfants venus de cinq régions différentes de vivre pendant un an un « grand voyage » à la rencontre des jardins, des arbres et forêts, des prairies, des rivières et de l’océan. Entouré d’une équipe d’éducateurs nature, de spécialistes de la biodiversité ou des expériences sensorielles, il a mis au point un cadre de recherche et un processus qui allie l’expérience sensible à la connaissance, le sensible et le savant. Pour lui, l’approche sensorielle de la relation aux mondes vivant et minéral est clef pour enseigner le sens de la vie sur terre. Tellement clef qu’elle peut même être, à ses yeux, le point de départ d’un nouveau modèle éducatif.
Plusieurs outils ont été développé pour partager cela : un premier film (« Le Lien » réalisé en 2016) au cours duquel six jeunes citadins de 9 à 17 ans retrouvent, à travers l’expérience menée en milieu montagnard, une plus grande confiance en eux, de la créativité, de l’esprit d’initiative, de l’autonomie et de la solidarité. « L’espace naturel est un excellent médiateur écologique pour amener vers des comportements écologiques » observe-t-il alors.
De quoi donner envie à l’enseignant d’approfondir son approche et de développer un nouveau projet, « Le grand secret du lien ». L’intention, cette fois-ci, est « de lancer une étude sur l’éducation au contact des milieux naturels, pour qu’elle soit en mesure d’amener l’enfant à retrouver la conscience du lien qui l’unit à la nature, et identifier des stratégies pour lever tous les obstacles qui empêchent aujourd’hui les parents, enseignants et autres éducateurs, d’organiser des sorties au contact des espaces naturels« .
Un autre film est donc produit (chez Jupiter Film – voir la bande annonce ci-dessous), ainsi qu’un ouvrage (aux Editions du Rocher), à travers lesquels est narrée cette expérience sensible d’éveil au lien.
« L’activité de pleine nature rend autonome, respectueux, solidaire, or trop souvent cet accès à la nature est limité par la peur et les idées reçues, l’absence de savoir-faire, l’absence de connaissance des lieux et des réseaux, le manque de matériel ou d’argent » déplore Frédéric Plénard qui, avec les professionnels réunis dans son aventure, promeut une pédagogie de la perception et une rééducation des sens.
Aussi les cinq groupes d’enfants sont-ils, pendant un an, invités à renouer avec une nature méconnue et inconsciemment rejetée. On leur offre l’opportunité, dans cet accompagnement de 25 jours répartis en périodes de deux à six jours, de regarder, sentir, ressentir; on leur propose de prendre le temps de penser, vivre puis verbaliser leur vécu. En découvrant leur approche, on est touché par la façon dont évolue la notion d’espace naturel : il ne s’agit plus d’un lieu extérieur à chacun, mais d’une zone d’intimité propre à chaque sujet.
« Il ne suffit pas de vivre l’expérience sensorielle » relève d’ailleurs Frédéric Plénard, « il est important pour l’enfant de trouver les mots, d’enrichir l’expérience sensorielle par l’usage de son esprit, de faire le pont entre les deux et permettre à l’enfant d’arriver à comprendre que la nature est vivante et que nous en faisons partie« . En somme, créer des empreintes et des nourritures affectives, et ainsi inscrire dans le corps, en interne, une relation profonde à la nature, un rapport au beau, comme l’explique bien ci-dessous Hélène Bourhis, spécialiste de la pédagogie de la perception impliqué dans l’éveil du lien :
Le livre qui décrit l’expérience (L’enfant et la nature, Ed du Rocher) est une pépite riche des réflexions de chaque participant et donne envie de s’y mettre également. S’y trouvent nombre d’idées et de conseils avisés pour expérimenter des balades sensorielles et des pratiques qui permettent de découvrir autrement la nature environnante tout autant que sa nature intérieure…
Pour Frédéric Plénard, en ciblant ainsi les enfants il est plus facile par la suite de promouvoir les comportements écocitoyens : « ils se sentent plus reliés et agissent ensuite de manière responsable, non par la morale mais par désir de préserver ce qui leur procure bonheur et bien-être. La transition écologique a peu de chance de réussir si nous ne développons pas ça chez l’enfant« .
Pour lui, la transition écologique ne pourra s’opérer sans transition éducative et aussi est-il urgent que l’éducation nationale, tout autant que les communes, les animateurs des collectivités locales et les parents, s’emparent de ce rôle éducatif. « Je réfléchis à la mise en ligne de nos ressources afin de partager notre méthode et nos outils d’éveil au lien » précise Frédéric Plénard quand on l’interroge sur les suites qu’il souhaite donner à sa démarche. Une affaire à suivre, car si avec le confinement les projections du film, comme les sorties nature, sont limitées il n’en demeure pas moins que cette démarche s’inscrit dans un mouvement plus global qui souhaite, aujourd’hui, promouvoir l’éducation buissonière…
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